Notre première sortie en mer avec le Carpe Diem jusqu’au Havre en 2003
23 Août :
Pour cette première descente vers la mer, nous serons quatre à bord,
mon épouse, ma sœur, mon cousin et moi. Donc, ce 23 Août,
nous partons par un temps gris. Notre première étape, ce soir,
sera le ponton plaisance de Muids à moins de deux heures de navigation
de l’écluse de Poses. Le temps est doux et la navigation agréable.
Nous nous arrêtons pour déjeuner juste avant l’écluse
de Méricourt.
Le temps s’améliore en ce début d’après-midi.
Un petit incident au passage de l’écluse, l’amarre se coince
sous le barreau supérieur de l’échelle (le barreau qui
est au-dessus du sol. Le temps de prendre un couteau, pourtant à portée
de la main, le poids du bateau aidant, la corde se décoince toute seule.
Plus de peur que de mal. En tout cas, une bonne leçon à retenir,
ne plus jamais utiliser le barreau qui est au du sol.
Nous arrivons à Muids vers 20h00. Pas de problème, le ponton
est libre. Il n’y a pas l’électricité, mais qu’importe,
je sors le groupe électrogène.
24 Août :
Ce matin, il fait beau, après le petit déjeuner, nous partons
pour Poses, la dernière écluse. Après, la Seine serpente
majestueusement jusqu’à la mer. Mais pour nous, notre première étape
sera Rouen où nous passerons la nuit. Nous attendrons, demain matin
pour rallier le "Grand Large".
Nous partons, après le déjeuner, faire un tour en ville et revoir la Cathédrale.
En fin de journée, je prépare ma route pour le Havre notre prochaine étape,
et prends la météo auprès du responsable de la halte.
La météo est bonne, puisque les prévisions nous donnent
une mer peu agitée à l’arrivée.
25 Août :
Il fait beau pour ma première descente de Seine. Je suis un peu inquiet,
car je vais naviguer une douzaine d’heures non-stop et parcourir environ
140 kilomètres d’une seule traite. Ce sera ma plus longue étape
aux commandes d’un bateau.
Malgré ma petite inquiétude du fait qu’il est pratiquement
impossible de s’arrêter en chemin, je fais confiance au Carpe Diem.
Nous larguons les amarres aux environs de 06h30. La marée est descendante
et le courant nous porte. Nous sortons de Rouen sans rencontrer un seul bateau.
Vers 09h00, le courant s’inverse. Il nous faudra subir ce courant contraire
environ quatre heures. Nous croisons notre premier cargo vers 10h00. Le pont
de Brotonne apparaît sous le soleil.
Vers Caudebec, en navigation, je suis obligé de changer de bouteille de
gaz. Mon cousin prend la barre pendant ce temps. Cela ne me prendra que dix minutes.
Peu après à environ une cinquantaine de mètres de la rive, je ressens un choc brutal et violent sur tribord. Que s’est-il passé ? Nous avons heurté quelque chose sous l’eau, mais aucune mention d’une épave quelconque. Après contrôle sommaire, la barre et la propulsion ne semble pas avoir été affectées. Pas de fuite d’eau dans la cale. Je vérifierai à notre arrivée au Havre si nous avons un problème car il est impossible de s’arrêter avant.
La Seine serpente majestueusement. En arrivant au pont de Tancarville, le courant
devient plus fort. Nous flirtons avec les 18 km à l’heure.
Puis apparaît enfin, magnifique, le pont de Normandie, porte d’entrée
de l’océan. La baie est calme et il y a très peu de vent… pour
l’instant. Nous passons devant Honfleur et continuons dans le chenal de Seine. Au bout de
la digue je change de cap, maintenant au nord, pour traverser et rejoindre le
chenal du Havre.
Le vent commence à se lever très rapidement et
la mer à se creuser. La houle est comprise entre 1m et 2,5m. Nous commençons à être énormément
secoué. Les prévisions d’hier soir semblent être complètement
erronées.
La cloche dans le carré, se met à sonner régulièrement
toutes les 30 secondes. Le vent d’ouest forcit encore. J’arrive à éviter
neuf vagues sur dix, mais la dixième nous prend de travers et je suis
obligé d’accompagner la gîte du bateau pour redresser.
Un zodiac des secours en mer, semble-t-il parti de Honfleur, commence à vérifier
le comportement de tous les bateaux présents sur le plan d’eau.
Il ne restera que très peu de temps à notre côté.
Peu après son départ, je m’aperçois que les deux amarres
de l’avant traînent dans l’eau. Il est impératif d’aller
les récupérer avant qu’elles ne se prennent dans l’hélice.
Pour cette mission délicate, restant aux commandes, j’envoie mon
cousin. Il lui faudra dix bonnes minutes pour s’acquitter de sa tâche,
tant le bateau bouge dans tous les sens. De plus, le groupe électrogène
qui est toujours à l’avant du bateau donne l’impression d’être
transformé en ballon qui rebondit au grès des vagues. Il pèse
pourtant 28 kilos. Mon cousin réussi à le bloquer en l’attachant.
Ma sœur commence à avoir le mal de mer et se cramponne comme elle
peut à l’intérieur du bateau, juste à côté de
l’évier. Et la cloche sonne, sonne.
Les bouées du chenal du port du Havre apparaissent enfin. Maintenant, nous sommes un peu protégés par la pointe de Sainte-Adresse et la houle arrive par l’arrière. Le bateau bouge un peu moins, j’entends la cloche épisodiquement, et elle ne se calme vraiment qu’à l’entrée du port. Il est maintenant 18h30 et nous sommes amarrés au ponton visiteurs. Enfin.
Il nous aura fallu douze heures pour venir de Rouen. Malgré la désagréable
surprise due à la météo, à aucun moment je n’ai
eu peur et je me suis aperçu que j’avais un très bon bateau,
très marin, en qui on pouvait vraiment avoir confiance. Le bilan de
cette fin de journée se résume à la perte de deux pare
battages, d’une chaise cassée sur le pont arrière et beaucoup
de sel sur mes lunettes de soleil malgré la protection du pare-brise.
Je pilotais en extérieur pour profiter du paysage.
Quant à l’intérieur, pas de casse, mais les choses ne sont
plus à leur place d’origine. En cette fin de journée, une
bonne coupe de champagne nous remet de nos émotions.
26 et 27 Août :
Aujourd’hui, 26 août, il fait beau. Nous ne connaissons pas la
ville du Havre et nous allons en profiter pour visiter et faire un peu de ravitaillement
au supermarché qui est à moins de dix minutes à pied du
port. Nous nous arrêtons en chemin pour visiter l’église
en forme de phare. La visite du musée à côté du
port suivra le lendemain. Mais surtout, nous déambulons dans la ville
sans idée préconçue.
Le soir du 27, je prends les prévisions météorologiques
pour le retour vers Rouen : mer peu agitée, 0,6 à 1 mètre
de creux. Si c’est vrai, cela nous changera de l’aller.
28 Août :
A 06h45, nous quittons le ponton d’accueil avec le début de la
marée montante en direction de Rouen. Il faut d’abord remonter
le chenal du Havre, traverser, puis reprendre le chenal de Rouen.
La météo est conforme, puisque la mer est très calme. De toute façon,
nous avons pris nos précautions avant de repartir.
Tout ce qui pouvait bouger a été mis au sol et calé. Quand nous reprenons le chenal en direction de Rouen, un peu avant d’arriver devant l’écluse d’accès au port de Honfleur, une horde de bateaux de pêche, plein gaz, nous trématent pour aller s’arrêter juste devant les portes de l’écluse. Il nous a fallu zigzaguer pour passer. Un bouchon en baie de Seine...
Nous marchons bien, près de onze nœuds avec le courant qui nous porte. Malgré notre vitesse, plusieurs cargos nous trématent entre le pont de Normandie et le pont de Tancarville. Le temps est nuageux, mais la température reste agréable.
Nous mettons dix heures pour rallier Rouen depuis le Havre, le courant restant portant, soit deux heures de moins qu’à l’aller. A notre arrivée, autour de l’île Lacroix où est située la halte de plaisance, nous croisons un pousseur qui ne respecte pas la vitesse autorisée et qui, dans cette partie encaissée, déplace une vague de près d’un mètre. Pour un peu je me croirais de nouveau en mer.
29 Août :
Nous partons après déjeuner en direction du quai de « l’auberge
du Halage » face à l’île Gribouillard où nous
comptons passer la nuit. Le courant nous est favorable et à 18h30, nous
sommes amarrés. Nous n’avons pas croisé beaucoup de bateaux
sur cette partie de la Seine.
L’écluse de Poses nous oblige à faire des ronds dans l’eau
pendant une heure car le sas principal est en réfection. Nous passerons
avec deux péniches et un petit bateau de plaisance anglais. A peine
sommes-nous arrivés au ponton, qu’il se met à pleuvoir
pendant plus d’une heure. Nous avons eu de la chance.
30 Août :
Nous partons de bonne heure pour rejoindre le port de l’Ilon. La route
est longue et le courant contraire. Maintenant que nous sommes entre deux écluses,
la Seine est beaucoup plus calme car les cargos ou autres bateaux de croisières
sont rares. Le temps est gris et juste après le déjeuner, nous
avons droit à quelques gouttes de pluie.
31 Août :
Ce matin, il y a de la brume sur le plan d’eau. Nous partons en début
de matinée pour notre dernière étape et retrouver la nouvelle
marina Port Saint-Louis. Le ciel est gris et nous avons encore droit à quelques
gouttes de pluie sur le parcours.
Nous profitons de notre retour pour passer par les bras secondaires que je
ne connais pas encore, bras de Vaux et bras de Limay. A 12h45, fin de l’aventure,
nous sommes au port pour le déjeuner.
Nous avons parcouru 620 km en 59 heures au moteur, attente et passage d’écluses
compris, et seulement pour une consommation moyenne de 5,6 litres de gasoil à l’heure à 10,5
km/h de moyenne, soit 5,7 nœuds. Ce n’est pas la vitesse qui compte, mais
le plaisir des découvertes et des rencontres.
Les leçons à retenir ont été les suivantes :
- j’attache ou range tout ce qui peut l’être sur le bateau
(j’ai installé un système avec une sangle pour attacher
la table du Carré lorsque je suis en mer),
- j’ai installé une ligne de vie de chaque côté du
bateau avec des harnais à bord,
- je pilote en extérieur en mer, avec mon harnais, pour mieux voir les
vagues arriver,
- la télévision a été fixée, elle ne peut
plus s’envoler,
- je ne laisse rien sur le pont, et surtout pas le groupe électrogène
(depuis, j’en ai changé pour un plus puissant),
- toutes les amarres sont lovées et attachées contre les balcons,
- les pare battages sont verrouillés par un nœud, en plus du nœud
de cabestan traditionnel,
Je puis vous dire que maintenant, je n’ai plus aucun problème,
sinon celui d’entendre le son de la cloche quand ça chahute un
peu. Mais j’aime bien car c’est un bon indicateur des contraintes
subies par le bateau.En bref, tout cela s’appelle « l’expérience ».
Epilogue :
Au retour, après avoir fait sortir le bateau de l’eau, il s’est
avéré que j’avais touché une barge échouée
sans signalisation et donc invisible en navigation à marée haute.
Cette rencontre fortuite a provoqué une grosse bosse à tribord
avant sous la ligne de flottaison.
Les assurances ont fonctionné et j’en ai profité pour faire
installer la sonde d’un sondeur graphique inclinée à 45°,
de façon à voir devant et non dessous. L’expérience
implique de retenir qu’il est impératif de rester au centre du
chenal dans la descente de la Seine depuis Rouen.
Le Havre 500 ans d'histoire(s)
La Normandie