Plaisance et Plaisanciers

Remplacement du moteur tribord et carénage du Harriet au Havre en 2023



La découverte d’une fuite

Je pourrais commencer cette histoire par « Il était une fois... » mais ce qui va suivre n’est pas un conte de fées.
Tout a probablement commencé le 17 août 2022. A notre arrivée à Saint Vaast la Hougue en provenance de Cherbourg, je constate un peu d’eau sous le moteur tribord, certainement due à une petite fuite dans le circuit de refroidissement. Je retire environ 25 centilitres et me promet de surveiller cela. Le 21 août, lendemain de notre arrivée à Courseulles-sur-Mer, je constate de nouveau un peu d’eau sous le moteur tribord, mais je n’aperçois pas les raisons de cette présence.
Le mercredi 24 août vers 8h00 du matin, je mets les moteurs en route. Nous partons pour Dives-sur-Mer. Il fait doux et la mer est belle d’après les prévisions. Après avoir détaché et lové les amarres à l’avant et à l’arrière, je remets les deux moteurs au point mort avant de libérer l’amarre centrale. A ce moment, le moteur tribord s’arrête et impossible de le redémarrer. Je prends malgré tout la décision de partir et nous verrons à Dives pour résoudre ce problème dont je ne soupçonne pas encore que cela va devenir une catastrophe.
A notre arrivée à Dives-sur-Mer, je constate que j’ai encore à peu près un demi litre d’eau sous le moteur tribord. Et je vois perler des gouttes d’eau sur l’intercooler, le refroidisseur d’air accolé au turbo. Il est nécessaire d’avoir une intervention d’un professionnel de la mécanique.
A la Capitainerie, l’on me donne le numéro de téléphone d’un mécanicien. Je le contacte immédiatement et il m’indique passer dans l’après-midi. Je l’attends encore.
Un de mes voisins de ponton me donne le numéro de son mécanicien qui doit venir faire une révision sur son bateau, le lendemain. Plein d’espoir je contacte cette personne qui m’indique être « full de chez full », mais me donne un nouveau numéro de téléphone que j’utilise immédiatement. Au bout du fil, je discute avec une personne compétente qui connait le moteur TAMD 41A et m’explique que le problème est une fuite d’eau sur l’intercooler.
L’origine de l’eau trouvée sous le moteur provient du tout petit trou situé sous celui-ci pour évacuer la condensation. Le problème est que ce trou s’est bouché à cause du sel récupéré dans l’eau de mer. Celui-ci doit être changé soit par une pièce neuve, soit par une pièce d’occasion. Le problème pour lui est qu’il est en vacances... en Corses et qu’il ne peut donc pas intervenir. Par contre aucune information ne m’est donnée sur l’URGENCE de l’intervention à faire.
Je décide donc de finir mes vacances et de rentrer à Carrières-sous-Poissy, comme prévu le 7 septembre, sur un moteur.



Le diagnostic

Dès mon arrivée, je prends contact avec Diesel Marine à Conflans-Sainte-Honorine avec le mécanicien qui est déjà intervenu sur mes moteurs. Mon objectif est d’avoir un rendez-vous pour lui amener le bateau le plus rapidement possible. Il est complètement overbooké à changer deux moteurs sur un bateau de commerce. Ce n’est qu’après beaucoup d’insistance que j’arrive enfin à décrocher un rendez-vous pour le 14 novembre 2022.
Après deux semaines à Conflans, le verdict tombe :

- Le moteur est bloqué. Il est nécessaire d’intervenir mais cela n’est pas possible pour le moment.

Le bateau de commerce sur lequel il remplace les moteurs est déjà en retard de près de deux mois. Il me propose une intervention en mars 2023. Ne sentant pas un niveau d’urgence dans ses propos, je ramène le bateau à Carrières et procède à l’hivernage car nous sommes début décembre et le froid va bientôt arriver.
Mi-mars 2023, je me rends chez Diesel Marine pour définir une date d’intervention. Et là, « douche froide ». Mon mécanicien a vendu ses parts et a quitté la Société. Plus de mécano pour s’occuper du Harriet.
Enfin, après quelques longues semaines, je peux prendre rendez-vous avec le nouveau mécanicien de la Société.
Celui-ci vient voir le Harriet à Carrières-sous-Poissy le 21 avril et rend compte à ses patrons. Le 3 mai un responsable basé au Havre, du groupe DEMOLIN (Société qui a repris Diesel Marine de Conflans), vient à son tour pour expertiser le problème et définir la meilleure solution d’intervention. Décision est prise de remonter le bateau à Conflans face à Diesel Marine pour rechercher et traiter les causes du blocage du moteur.
Le 25 mai le Harriet est à Conflans-Sainte-Honorine et l’intervention commence. Après quelques jours, le diagnostic tombe. Moteur complètement bloqué suite à l’aspiration et à la pénétration d’eau de mer dans au moins deux cylindres avec une forte corrosion (cela fait 9 mois que le problème est arrivé). Il faut le sortir du bateau pour soit le refaire (impossible sur place) soit le changer par un nouveau moteur. L’idéal étant une intervention au Havre pour limiter les coûts qui s’annoncent « astronomiques ».



La solution pour traiter le problème

Je commence des recherches sur le Web et tombe sur plusieurs annonces dont une d’un moteur identique tournant mais de l’année 2000 (sur Harriet les moteurs datent de 1989). Une petite vidéo accompagne l’annonce.
Le prix vu sur « Leboncoin » est de 7 000 € mais sur Casse Marine (le vendeur basé à Toulon) pour le même moteur, le prix est de 5 000 €. De plus, ce moteur a seulement 1 200 heures de fonctionnement. Une autre annonce pour le même montant fait état de plus de 10 000 heures de fonctionnement, à bannir.
Une troisième annonce pour un moteur reconditionné est de plus de 35 000 euros, à oublier.
Je demande à La Société DEMOLIN de vérifier avec le vendeur de Casse Marine si l’annonce est sérieuse. Le retour étant positif, un devis d’environ 32 000 € émis par Diesel Marine et accepté (mais ai-je le choix ?), je fais l’acquisition du moteur et le fais livrer pour zéro euro, après négociation, au Havre chez DEMOLIN.
Le montant très élevé de cette intervention est en deux parties :

- Une partie pour construire une structure à l’intérieur du bateau pour sortir le moteur et une autre sur la plage arrière pour pouvoir le manipuler et le descendre à terre.
- Une seconde partie pour la main d’œuvre (2 personnes), les petites fournitures nécessaires à l’intervention et l’essai en mer pendant une demi-journée.

La sortie d’eau, la location d’un ber pendant environ deux semaines et la grue pour descendre le moteur à terre, ne sont pas compris dans ce devis. De plus, il est nécessaire de vider le bateau (tout ira dans ma cabine) et de démonter la rampe de descente qui réduit la largeur nécessaire aux mouvements pour la sortie de l’ancien moteur et l’introduction du nouveau moteur.



Le départ pour Le Havre

Rendez-vous est pris avec le port du Havre pour sortir le bateau de l’eau le 21 juillet. J’en profite pour demander un coup de karcher sur la coque qui devrait en avoir bien besoin. La zone choisie est la zone technique de l’Escault qui est accessible par le sas Quinette de Rochemont. Nous serons vendredi et l’horaire prévu est 9h00 pour le passage dans l’écluse.
Je quitte le port de Carrières-sous-Poissy le mardi matin 18 juillet, vers 6h00, pour une étape prévue à Venables le soir, soit 105 kilomètres environ et deux écluses à passer. En navigation, je reçois un SMS m’indiquant que le moteur venait d’être livré la veille au Havre.
Le lendemain matin, départ pour Rouen dès 6h00 pour avoir la marée descendante à Poses-Amfreville soit environ 62 kilomètres et une écluse, la dernière en Seine.
Enfin le jeudi matin, départ pour le Havre en passant devant Honfleur. Un parcours d’environ 130 kilomètres dont la partie entre Honfleur et le Havre sera avec une mer formée (une mer totale d’à peu près 1,2 mètres de houle est prévue), mais je n’ai pas le choix.
Pas de problème particulier dans cette descente de la Seine en juillet. Il est à noter que je n’ai rencontré aucun bateau de plaisance, ni montant ni avalant. Pas de plaisance donc, seulement des bateaux de commerce et des bateaux de croisières.

Le 21 juillet donc, je me lève de bonne heure et vide complètement le carré du bateau et entrepose tout dans ma cabine, ainsi que l’ensemble des coffres. Table et assise du poste de pilotage intérieur sont descendus à l’avant du bateau. L’espace est totalement vide quand je quitte mon amarrage pour le sas Quinette. Heureusement, il n’y a pas de vent et il fait beau. Un appel VHF pour signaler mon approche et ma présence et je fais l’amarrage sur les pendilles dans le sas. Trente minutes plus tard je suis à quai. La sortie est prévue à 10h30.
A peine arrivé, le responsable m’indique que je peux aller au travel lift pour effectuer la sortie d’eau. Celui-ci a une capacité de 30 tonnes, ce qui est suffisant pour Harriet qui ne pèse que 16 tonnes avec les pleins. En moins de 5 minutes, le bateau est dans les sangles au-dessus du sol et le nettoyage de la coque peut commencer. Il lui faudra une heure pour finir le travail, mais c’est propre. Je vais profiter de cette mise à terre pour effectuer le carénage et changer les anodes.



Le changement du moteur et le carénage

A 11h00, le responsale de la société DEMOLIN et celui de la société chargée de réaliser le support pour la manutention des moteurs sont là. Dès que le bateau est calé sur le ber, ceux-ci sont à bord pour finaliser les plans du support de manutention. L’après-midi, les deux mécaniciens qui vont intervenir commence à installer les protections et à démonter sur l’ancien moteur toutes les pièces qui seront à remonter sur le nouveau, en particulier l’inverseur. Il reste donc à attendre le mardi pour commencer les opérations sérieuses avec la livraison du portique.


Le mardi matin, je suis de retour au Havre pour commencer le ponçage de la coque. Dès l’ouverture du magasin d’accastillage (Uship) situé juste à côté, le fais mes emplètes, à savoir le primaire d’accrochage (PRIMOCON primaire gris) et l’antifouling (Micron 350) le tout pour une surface à peindre d’environ 40 m2. J’y ajoute toutes les anodes, 9 au total et retourne au chantier pour continuer le ponçage. Comme il n’y a pas de prises électriques dans cette zone, un groupe électrogène a été mis à ma disposition. Mis à part le bruit, la fonction est remplie.
En fin de journée, le ponçage est terminé et les rares zones qui étaient légèrement oxydées ont reçu un traitement anticorrosion. Le lendemain mercredi, pendant que les mécaniciens travaillent sur le moteur, j’étale au rouleau et au pinceau 40 m2 de primaire de couleur gris.
Enfin, le vendredi, c’est au tour de la peinture antifouling, bleue, de venir donner une jolie couleur à la coque. C’est la fin de la semaine, la météo a été clémente avec moi (pas de pluie), le nouveau moteur est à bord et normalement en fin de semaine prochaine, tout sera terminé.
Le mardi 1 août, retour au Havre. Le portique a été démonté, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur. Nous procédons aux premiers essais, à terre, de démarrage du moteur. Tout se passe bien et j’en profite pour traiter les bois de la plage de bain.Le bateau étant à terre, c’est beaucoup plus facile de les démonter, les traiter avec une couche de lasure puis de les remonter et comme il ne pleut pas et que le soleil brille le travail est facilité. Demain mercredi, le Harriet sera remis à l’eau.
Mercredi matin donc, le bateau est remis à l’eau. Nous en profitons pour faire environ 30 minutes de navigation dans le bassin de l’Eure et dans le bassin Bellot pour vérifier que tout fonctionne bien. Retour au quai pour encore revérifier l’alignement de l’arbre d’hélice. Quelques détails restent malgré tout à régler, en particulier une petite fuite sur la pompe de refroidissement. Ils le seront demain jeudi en mon absence, avant les essais en mer prévus vendredi matin.



Les essais en mer

Vendredi matin 4 août, après avoir prévenu le port de notre sortie par le sas Quinette la veille, nous quittons le ponton et attendons l’ouverture du pont prévu entre 9h35 et 9h45. La marée est haute et les portes amont et aval du sas, sont ouvertes. Dès le pivotement du pont pour autoriser le passage, nous partons tranquillement vers le phare de la Hève après Sainte-Adresse. La mer est belle et la balade, si tout se passe bien, devrait être agréable. Je règle progressivement le régime des moteurs, par paliers successifs de manière à vérifier que tout fonctionne correctement, en particulier la régulation en température du nouveau moteur. Après une heure de tests à différents régimes, nous prenons la route de retour vers le port de plaisance.
L’amarrage au ponton visiteurs complètement libre, se fait sans difficulté avec le mécanicien qui joue le rôle du mousse. Fin des tests, puis retour à Eragny à mon domicile après être passé à la Capitainerie pour régler les frais de location du ber et de remise à l’eau. Le retour au Havre est prévu lundi matin 7 août pour ramener le bateau à Carrières-sous-Poissy.



Le retour à Carrières-sous-Poissy

A notre arrivé lundi matin avec mon frère qui me sert de chauffeur, sous un ciel bleu et un beau soleil, une mauvaise surprise nous attend. Le sort semble s’acharner sur Harriet. La Tempête Patricia a balayé le port. Des vents jusqu’à 113 km/h ont été enregistrés au cap de la Hève. Le résultat est visible sur les toiles qui couvrent le poste de pilotage extérieur. Celles-ci ont été arrachées par le vent. Les fermetures éclair ont tenu, mais toutes les coutures ont lâché. Il y a même une partie transparente sur tribord qui est complètement éclatée. Il va y avoir beaucoup de couture à refaire à mon retour. Mais cela devra attendre car le couturier qui s’occupe habituellement de mes toiles est en vacances jusqu’à fin août. En attendant la solution provisoire passera par des épingles à nourrice.

Enfin, après avoir remis un peu d’ordre et bu un café avec mon chauffeur, je démarre les moteurs, cap sur Honfleur puis Rouen que je devrais atteindre en soirée. La mer est relativement belle et la traversée de la Crique de Rouen est agréable. Peu avant le pont de Normandie, je récupère le flot qui me porte gaillardement jusqu’à Rouen. Parti à 10h10 du Havre, je suis amarré au ponton des pompes à carburants, à Rouen dans le bassin Saint-Gervais, à 18h45. Une mer très calme et peu de circulation sur la Seine ont ponctué mon parcours à la vitesse moyenne d’un peu plus de 15 km/h.


Le mardi 8 août, départ pour Venables après avoir remis un peu de gazole dans mes réservoirs, histoire d’être tranquille. Mon arrivée aux Grèves du Lac étant annoncée, je n’ai aucun problème pour m’amarrer, la place visiteurs est libre. Le lendemain, départ à 7 heures pour être à la Marina Port-Saint-Louis en fin de journée, 105 kilomètres à parcourir et deux écluses à passer. A 17h20, les moteurs sont arrêtés, Harriet est à sa place habituelle.

J’ai un peu plus d’une semaine devant moi pour préparer le bateau pour les vacances (30 jours de prévu jusqu’à Saint Vaast-la-Hougue), faire les courses et surtout remonter le balcon de descente dans le carré. Le départ est prévu le 16 août au matin et tout doit être prêt.



La morale de cette histoire qui n’est pas un conte de fées

La morale de cette histoire, si morale il doit y avoir, pourrait être la suivante :

- Si vous ressentez le besoin de faire venir un mécanicien suite à un bruit, une fuite ou autre, et que celui auquel vous aviez l’habitude de faire appel n’est pas disponible, prenez l’annuaire et appelez le premier qui pourra se déplacer et vous donner un diagnostic précis de votre problème. Ensuite le choix de celui qui procèdera à la réparation, si nécessaire, dépendra du problème diagnostiqué.
- Si j’avais suivi cette règle, le problème pris en temps et en heure, cela m’aurait certainement coûté beaucoup moins cher et je pense que le remplacement du moteur n’aurait pas eu lieu.

Voila pour ce retour d’expérience en espérant que vous lecteurs, ne seront pas confrontés à ce type de déconvenue. Pour terminer, ne pas oublier que même une petite fuite d’eau, peut entrainer le changement d’un moteur et coûter très cher.



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